Chuck Berry, une vie tourmentée
Chuck Berry savait animer comme personne un concert avec sa fameuse assurance scénique. Le père du rock’n’roll est mort à l’âge de 90 ans dans le Missouri. La légende laisse derrière elle des fans éplorés, mais aussi une face sombre de sa vie, assez méconnue du grand public. L’artiste était un homme tourmenté qui a fait plusieurs années de prison au cours de sa longue carrière musicale. Chuck Berry a 18 ans en 1944. Et des rêves de grandeur qu’il n’a pas encore traduits musicalement. Accompagné de ses amis, il braque un magasin. Arrêté très vite par la police, il passe plus de trois ans de sa vie dans une maison de redressement dans l’Indiana. Voici venu le temps pour lui de s’assagir. Il multiplie les participations éphémères à des formations musicales et des petits boulots. Il sera notamment garçon coiffeur et gardien dans une station de radio. Ce n’est qu’en octobre 1961, soit trois ans après avoir gravé Johnny B. Goode sur disque, qu’il est rattrapé par la justice. Après avoir engagé Janice Norine Escalanti, une apache qui devait travailler comme serveuse dans son club dans le Missouri. Elle n’a que 14 ans. La jeune fille a accusé le rockeur d’avoir voulu la prostituer. Pour sa défense, le chanteur affirme qu’elle lui a menti et lui a fait croire qu’elle était majeure. Peine perdue: Berry est condamné à vingt mois de prison ferme et doit verser 5.000 dollars d’amende. La légende du rock affirme que cette condamnation est due en partie au racisme du juge. Un magistrat qui n’hésite pas à utiliser le mot «nègre» durant le procès. Circonstances aggravantes, dans le passé, Berry a déjà été arrêté en voiture en compagnie de jeunes femmes blanches. Inacceptable alors dans l’Amérique de la ségrégation. En 1979, Chuck Berry est de nouveau confronté à la justice américaine. Cette fois, il est accusé d’avoir dissimulé plusieurs centaines de milliers de dollars au fisc. Cette fois, le chanteur ne se défend pas. Au contraire, il plaide «coupable» devant le jury. Et repasse ainsi par la case prison pour purger une peine de 120 jours. Ce n’est pas la fin de ses ennuis car il doit également rembourser plus de 200.000 dollars d’impôts non payés. À cette litanie de déboires judiciaires, s’ajoutent les plaintes de certaines femmes, clientes ou non de son établissement. Elles l’accusent en effet d’avoir placé des caméras dans les toilettes de son restaurant, «The Southern Air». Chuck Berry aurait espionné deux cents femmes. Même si les charges ont été abandonnées, le rockeur a quand même versé plus de 1,2 million de dollars aux plaignantes. Pendant toute sa carrière, le père du rock’n’roll a essayé de dissimuler sinon d’amoindrir toutes ces affaires. «Les gens se trompent complètement. Je ne suis pas allé en prison. C’est ce qui se dit dans les grands journaux. Mais si vous lisez la presse locale, vous verrez que j’ai été acquitté», aurait affirmé la star dans une interview publiée en 1972. Pourtant dans son autobiographie, sortie à la fin des années 80 et intitulée sobrement Chuck Berry (Harmony Books), le chanteur parle, comme le remarque fort justement notre consœur Claire Rodineau dans SFR news, de ses années en prison «comme une période d’apprentissage». Avant de conclure: «Dans sa cellule, seul avec sa guitare, il y aurait écrit un grand nombre de chansons, et notamment son fameux titre, Promised Land.»