Archive for juin, 2015
J’ai testé le pilotage d’avion à Charleroi
Faire voler un avion alors qu’on n’a pas la moindre formation ? Aucun problème. Et c’est exactement ce que j’ai réalisé la semaine dernière. Ce n’était bien entendu pas un avion de ligne comme un Airbus mais un appareil plus humble : un Piper. Et c’est très bien ainsi, car les émotions que procure ce petit appareil n’en ont été que plus fortes ! Cette expérience a eu lieu à Charleroi sous un ciel immaculé. Avant d’oser me lancer dans cette aventure, je me suis souvent demandé si le pilotage n’était pas trop complexe : c’est que le tableau de bord n’est pas rassurant, avec tous ses cadrans ! Mais en réalité, piloter un petit appareil est vraiment accessible au simple mortel. Les 2 moments un peu intimidants restent bien entendu le décollage et l’atterrissage. Mais entre les deux, c’est un instant de détente incomparable (et le décollage n’est pas aussi impressionnant qu’on peut le croire, en réalité. Si on le compare au décollage d’un gros appareil, on peut même dire que ça se fait en douceur). Car une fois que l’avion a repris sa position parallèle au sol, c’est un régal pour les mirettes. A 600 mètres d’altitude, la Terre ressemble à une maquette d’enfant, et offre une vue extraordinaire. Et pourtant, ce n’est pas la beauté de la terre qui m’a le plus fasciné. Pour ma part, la meilleure partie reste en effet le pilotage en lui-même. L’utilisation des commandes est vraiment jubilatoire. On ressent le souffle du vent qui balance l’avion, à tel point qu’on a la sensation de lutter contre le vent chaque fois qu’on fait tourner l’avion. C’est intense à vivre. Ce baptême s’est révélé être plus exténuant que ce que j’avais imaginé. Quand on est un bleu, il faut dire qu’on ne sait vraiment pas où focaliser son regard : sur les nombreux cadrans ou sur l’horizon ? L’oeil a du mal à faire un choix, et ne cesse d’aller de l’un à l’autre, d’un air inquiet. Outre ce dilemme visuel, il faut également tenir le manche à balai (celui-ci est certes maniable, mais requiert tout de même une certaine force). Au final, j’ai adoré cette activité, que je vous invite à vivre si vous en avez un jour la possibilité. Voilà la page qui m’a servi pour ce vol. Suivez le lien pour le prestataire de ce stage de pilotage avion à Charleroi.
Le semblant de réformes
Réforme des rythmes scolaires ou prélèvement à la source, en quoi les réformes du quinquennat Hollande s’attaquent elles plus à l’aspect superficiel plutôt qu’au fond des dossiers ? En matière fiscale comme dans d’autres domaines, il est souvent plus commode de s’attaquer à des sujets de vie pratique plutôt qu’au fond et au contenu. C’est souvent beaucoup plus visible politiquement, ça peut marquer les esprits à peu de frais et ça évite surtout de s’attaquer à des problématiques plus complexes. Toutefois, le sujet du prélèvement à la source est moins anodin qu’il n’y paraît. Son instauration marquerait notamment une évolution importante du rapport à l’impôt. Regardez les prélèvements déjà effectués à la source, comme la CSG et les cotisations sociales employeur. Ils pèsent davantage que l’impôt sur le revenu mais sont pourtant nettement moins perceptibles par les Français, compte tenu du processus déclaratif de l’IR. Par ailleurs, la retenue à la source est en fait complexe à mettre en œuvre, et très sensible politiquement. Comment éviter, en passant d’un système à l’autre, d’avoir à payer une même année deux fois l’impôt, celui de l’année précédente sur déclaration et celui de l’année en cours par prélèvement à la source ? Il est difficile de déterminer ce qui est de l’ordre du superficiel et ce qui ne l’est pas. En politique il arrive très souvent que les sujets considérés comme symboliques aient une portée et un impact non seulement politiques mais aussi économiques ou sociaux bien plus forts que les questions considérées comme structurelles. La réforme des rythmes scolaires par exemple peut paraître relever du gadget mais si elle produit des effets positifs dans la capacité qui sera celle des élèves des classes primaires à se concentrer pour mieux apprendre alors cela n’aura pas été qu’un simple « truc ». Le raisonnement vaut aussi pour le prélèvement de l’IRPP à la source. Il faut savoir que ce système existe depuis de très nombreuses années dans nombre de pays européens qui regardent la France avec beaucoup d’étonnement. Pour les fonctionnaires par exemple qui sont payés par l’Etat (donc, entre autres contributions, par le produit de l’IRPP) on est en droit de se demander pour quelles raisons leur revenu mensuel n’est pas amputé de leur impôt dès leur qu’ils participent eux-mêmes, par leur propre IRPP à leur propre rémunération. Ils perçoivent un revenu de l’Etat, ils paient un impôt sur ce revenu à l’Etat. Si l’Etat les rémunérait déduction faite de ce que les fonctionnaires lui rendent ce serait juste deux fois plus simple. Déjà à l’époque du gouvernement Jospin cette réforme a été envisagée. Elle devait coûter son poste ministériel à Christian Sautter, ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, conduit à démissionner le 27 mars 2000 face à une grève très dure du syndicat CGT des Finances, hostile à ce dispositif de prélèvement à la source. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette initiative n’est jamais ressortie des cartons y compris sous la droite qui a toujours craint son caractère très « politique » et explosif.
Cela sent le brûlé en Ukraine
On a été obsédé par les événements en Ukraine. Et on n’a pas forcément eu tort: ce qui s’est passé dans ce pays risque de définir la pensée stratégique russe et les relations russo-européennes pour les années à venir. Pourtant, ce n’est pas le seul territoire post-soviétique digne de notre inquiétude. De fait, ces derniers mois, on constate des évolutions inquiétantes du côté du Caucase. À première vue, de telles activités peuvent paraître tout à fait normales, une façon pour Moscou d’affirmer son contrôle de territoires rebelles. Or les exercices n’ont pas eu lieu en Kabardino-Balkarie, en Tchétchénie, ou au Daghestan, les principaux foyers des tendances séparatistes dans la région. Par ailleurs, certains des exercices ont impliqué des avions d’attaque Sukhoï Su-25SM, des avions de chasse MiG-29, des systèmes de défense aérienne… pas forcément l’armement le plus utile contre les combattants de l' »Emirat Islamique du Caucase ». Or à une époque de difficultés économiques pour la Russie, on imagine mal des actions d’une telle envergure sans signification réelle autre qu’une question d’entraînement. Encore moins dans le district militaire sud de la Fédération (Caucase du Nord, Caspienne, Mer Noire). On comprend mieux quand on voit que beaucoup de ces exercices se sont concentrés en Ossétie du Nord… et en Ossétie du Sud, ancien territoire géorgien perdu par Tbilissi lors de la guerre de 2008. Il n’est pas anodin que ces exercices aient eu lieu notamment dans la deuxième quinzaine du mois de mars: à la même période, Vladimir Poutine et le leader d’Ossétie du Sud, Leonid Tibilov, signaient une série d’accords renforçant de fait l’annexion de son territoire par la Fédération de Russie. Mais il s’agit, semble-t-il, d’aller au-delà que de maintenir la pression, d’un point de vue général, sur la Géorgie. Il est intéressant de noter que lors d’un des exercices de grande envergure, d’importantes forces russes positionnées, d’habitude, en Arménie ont été directement impliquées en liaison avec des unités basées en Russie. Or, ces derniers temps, les médias russes aiment à évoquer deux choses sur cette zone: le désir de Moscou de développer le réseau de routes partant du Caucase du Nord vers la Géorgie; et les pressions du Kremlin sur ce même pays, pour obtenir le droit, pour certaines de ses forces armées, de traverser la Géorgie pour pouvoir atteindre les bases russes en Arménie. En effet, avec Erevan qui a rejoint l’Union Eurasiatique, il s’agit de montrer aux Arméniens que ce choix renforce la protection militaire offerte par la Russie. Donc pour un certain nombre d’analystes, le message est double: soutien à l’Arménie, et menace à peine voilée sur la Géorgie. Et ce soutien au moins indirect, de la Russie à l’Arménie, ne va pas aider à apaiser des relations de plus en plus tendues entre ce dernier pays et Azerbaïdjan Le 16 mai 1994, un cessez-le-feu a été signé après une guerre terrible entre Arméniens et Azéris: Bakou perdait le contrôle de la région du Haut Karabagh, mais aussi des territoires environnants. En gros, un cinquième du territoire azéri perdu, et pour l’Arménie, une augmentation de fait tiers. Avec, des deux côtés, des cicatrices qui ne se sont pas refermés. Cela fait déjà plusieurs années, on peut constater que le conflit ne peut être considéré comme « gelé » que dans les ouvrages de spécialistes théoriques de la géopolitique. Il y a des accrochages constants entre militaires azéris et arméniens depuis plusieurs années. Or ces dernières temps, les tensions se multiplient: il y a eu des accrochages militaires quasiment tous les jours depuis l’été 2014. Et ces derniers sont de plus en plus mortels. En novembre 2014, deux hélicoptères de combat Mi-24 auraient attaqué des troupes azéries, et ces dernières ont réussi à abattre l’un d’eux. Selon les Arméniens ces hélicoptères étaient à l’intérieur du Haut-Karabagh, où ils participaient à des exercices militaires entre l’armée de la « République du Haut Karabagh » (non reconnue par la communauté internationale, à quelques exceptions près) et l’Arménie. Une provocation en soi pour Bakou, même si l’accrochage n’a pas eu lieu: avec 47.000 soldats déployés, il s’agissait pour les Arméniens de montrer leur force aux Azéris… ce qui n’a fait que renforcer les tensions, et empêcher toute possibilité de dialogue (qui commençait, timidement, à renaître). Tensions confirmées début 2015: l’armée arménienne du Haut-Karabagh est même allée, le 31 janvier, jusqu’à organiser une incursion militaire contre des positions azéries, faisant un nombre de morts indéterminés des deux côtés (chacun donnant des chiffres différents de l’adversaire). Pendant 20 ans, les soldats azéris et arméniens ne faisaient qu’échanger des coups de feu régulièrement. Aujourd’hui, la situation est autrement plus dangereuse… Face à une telle situation, pour l’instant, la Russie agit comme une grande puissance indispensable certes, mais pas forcément d’une façon positive. On l’a vu, elle assure clairement l’Arménie de sa protection militaire. Par ailleurs, il est possible que Moscou ait fourni aux Arméniens des missiles balistiques de courte portée 9K720 Islander. Ils seraient suffisants pour clouer au sol une aviation azérie très modernisée, et aujourd’hui supérieure à celle des Arméniens. Ce déséquilibre amène Bakou à craindre un certain isolement (l’Iran est également plutôt pro-Arménie) et à chercher à amadouer le Kremlin tout en se renforçant militairement. Ainsi, en 2011 et 2012, les Azéris ont signé de juteux contrats d’armement avec les Russes, d’une valeur de 700 millions à 1 milliard de dollars. En fait, sur ces cinq dernières années, 85% des achats d’armes par l’Azerbaïdjan ont été fait à la Russie… Et plus largement, Bakou cherche, légitimement, à aller au-delà des simples transitions commerciales, pour s’assurer que la Russie n’ira pas jusqu’à s’affirmer totalement pro-Arménie en politique étrangère et de sécurité. D’où le plan de coopération signé entre leurs ministères de la Défense respectifs le 13 octobre 2014. Un tel activisme azéri amène les Arméniens, à leur tour, à craindre pour leur alliance avec la Russie, ce qui les pousse à une soumission totale face au Kremlin. Cela explique leur entrée dans l’Union Économique Eurasiatique, une orientation pourtant peu rationnelle économiquement. Dans cette configuration, le Kremlin semble tenir, aujourd’hui, l’ensemble du Caucase du Sud. Et il ne serait ni productif, ni efficace, de réagir face à cet état de fait par une diplomatie moralisante du côté de l’Europe et de l’Amérique du Nord. On est dans un jeu classique de grande puissance, s’imposant à son environnement régional, et ce dernier acceptant cette influence ou la rejetant en cherchant une aide extérieure. La Géorgie a voulu totalement nié l’influence de cette grande puissance voisine, comme Kiev aujourd’hui: on voit le résultat. Et les Occidentaux sont coupables d’avoir soutenu cette attitude, jusqu’à ce que la confrontation grande puissance/État normal tourne à la situation classique du pot de terre face au peau de fer… Face à la politique russe dans le Caucase à présent, donc, il serait bon que nos diplomates se concentrent sur une question positive, et importante: le fait qu’une montée des tensions entre Azerbaïdjan et Arménie ne serait bonne ni pour l’Europe, ni pour la Russie, ni pour les Américains. Si les grandes puissances étaient capables de mettre de côté leurs jeux géopolitiques pour être responsables face un conflit potentiellement déstabilisateur pour toute une région, elles se montreraient responsables, pour une fois…