Archive for mai, 2015
Libre marché et liberté
La semaine dernière, j’ai assisté à un séminaire à Dijon dédié à la question du libre marché. L’angle d’attaque était cependant assez original. Celui-ci était en effet présenté comme un sondage d’opinion à l’échelle mondiale. Une définition à laquelle je souscris entièrement. En effet, à chaque instant, les opinions de milliers, de millions de consommateurs et de producteurs se rejoignent. Sans le moindre formulaire et sans le moindre questionnaire à choix multiples, tous émettent leur avis. Préfèrent-ils boire du thé ou du café ? Préfèrent-ils passer leurs vacances sur la côte ou en Provence ? Combien seraient-ils prêts à payer en plus pour un concert de Bruce Springsteen par rapport à un concert de Slayer ? Il n’existe pas de sondage d’opinion plus efficace, plus global, et plus permanent que celui du libre marché. Demandez à ces mêmes citoyens de remplir des questionnaires sur le café ou leur destination vacances et vous obtiendrez un résultat nettement moins fiable. Premièrement, la gestion d’un tel sondage écrit serait beaucoup trop complexe, trop fastidieuse et trop longue à mettre en place. Et lorsqu’ils seraient connus, les résultats seraient déjà dépassés. De plus, un tel sondage serait-il plus fiable que le libre marché ? Une personne peut déclarer sur papier être sensible à l’environnement, amatrice d’alimentation bio ou d’une certaine marque de café. Mais en définitive, la seule preuve réelle de ses dires réside dans sa manière d’agir sur le libre marché. Chaque transaction exprime la préférence réelle du consommateur. Que ce soit sur un marché aux puces ou sur un marché des actions, ce sont bien des libres choix qui s’expriment. Chaque jour, des personnes font ainsi des milliers de choix. Bien qu’il soit impossible de savoir précisément qui effectue quel choix et pour quelle raison, il est néanmoins possible de dévoiler le résultat final de ces choix. Une chose désirée, populaire ou rare, verra son prix augmenter, alors qu’une chose peu convoitée, impopulaire ou largement disponible, verra son prix diminuer. Le libre marché est donc la combinaison ultime de la liberté individuelle et de la liberté d‘expression mais à très grande échelle. Celui qui ne croit pas au libre marché ne croit donc pas à la liberté. Il est rare que je trouve dans un séminaire un écho à mes propres convictions, et ce séminaire à Dijon – suivez le lien pour le site de l’organisateur – s’est révélé passionnant à suivre de bout en bout.
Les Tanguy de l’université
Etudiant en master Innovations en communication à l’université Paris-13, Julien Hélaine a décidé de reprendre ses études après quelques mois de galère pour trouver un emploi. A sa sortie en 2012 d’une école de cinéma, le jeune homme espérait trouver un job d’assistant de production. Mais dans un domaine aussi bouché, difficile de percer. « Une petite société de production m’a proposé de travailler pour elle, mais en tant qu’auto-entrepreneur, raconte-t-il. Elle a fini par couler. » Pour décrocher le poste de ses rêves, le jeune homme s’est finalement décidé à repasser par la case « fac ». « Je n’avais pas de réseau et je voyais mes amis en difficulté, témoigne-t-il. J’ai décidé de reprendre une formation pour me construire un début de réseau et bénéficier de conventions de stages. » Julien est loin d’être le seul jeune diplômé à retourner sur les bancs de la fac après des premiers pas précaires sur le marché du travail. Une enquête du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) portant sur la génération 2010 note une tendance croissante à la reprise d’études pour les bac + 3 à bac + 5. Alors que moins de 8 % des sortants de la génération 2004 reprenaient une formation dans les trois ans suivant l’obtention de leur diplôme, ils sont plus de 11 % dans ce cas pour la génération 2010. Les motivations de ces jeunes « Tanguy » de l’université sont diverses : muscler leur formation, éviter un trou sur le CV… Quelques-uns ont du mal à quitter le rassurant statut d’étudiant. « On voit des jeunes qui reprennent leur cursus après l’avoir abandonné en cours de route, mais aussi d’autres qui enchaînent les licences sans vraiment savoir où ils vont », observe Barbara Muntaner, du Centre d’information et de documentation jeunesse (CIDJ). En 2006, un rapport du Comité national d’évaluation de l’université Paris-IV-Sorbonne pointait les cas de réinscription en formation dans le seul objectif d’obtenir des conventions de stage ou de bénéficier du statut étudiant. « Si le but est uniquement d’éviter un trou sur son CV ou d’occuper son temps, l’étudiant court droit à l’échec. Le recruteur a besoin de comprendre ce qui a motivé la reprise d’études. » Mais cette stratégie comporte des risques : retourner sur les bancs de la fac n’est pas toujours bien vu par les employeurs. « Si le but est uniquement d’éviter un trou sur son CV ou d’occuper son temps, l’étudiant court droit à l’échec,souligne Anne-Marie Deblonde, responsable des jeunes diplômés au cabinet de recrutement Alphée. Le recruteur a besoin de comprendre ce qui a motivé la reprise d’études. » Etre surdiplômé ne permet pas toujours de tirer son épingle du jeu. « Reprendre des études peut être intéressant pour des niveaux bac à bac + 2, mais pour les étudiants qui sortent d’une école, c’est bien souvent reculer pour mieux sauter, estime Ludovic D’hooghe, directeur du cabinet de recrutement Alphéa Conseil. Aujourd’hui, la porte d’entrée dans les entreprises se situe plutôt aux échelons inférieurs. »
Le service militaire volontaire ?
Dès la rentrée, le gouvernement espère enrôler un millier de jeunes recrues. Dès la rentrée de septembre, le gouvernement expérimentera un « service militaire volontaire » (SMV) en métropole, dix-neuf ans après l’abrogation du service national obligatoire par Jacques Chirac. François Hollande a annoncé lundi 27 avril à Alençon la création de sept centres de SMV d’ici à 2016. « Il y aura trois centres de service militaire volontaire dès cette année qui accueilleront 1 000 jeunes », à Montigny-lès-Metz (Moselle), Brétigny-sur-Orge (Essonne) et « dans le sud de la France dès janvier 2016 », a déclaré le président, précisant que quatre autres centres seront créés l’an prochain. Qu’est-ce que le service militaire volontaire ? Ce dispositif d’insertion professionnelle de jeunes en grande difficulté s’inspire largement du « service militaire adapté » (SMA) développé depuis des décennies déjà outre-mer. Ce service militaire adapté avait été créé en 1961 dans les Antilles. A l’origine, le SMA est une idée de Pierre Messmer, alors ministre des armées, pour répondre au chômage frappant la moitié des jeunes ultramarins de moins de vingt-cinq ans. Dans la forme actuelle du SMA, les recrues doivent souscrire un contrat d’engagé volontaire des armées, avant de passer un test d’aptitude physique. La formation dure ensuite entre six et douze mois, durant lesquels l’élève élaborera son projet professionnel sous l’encadrement de militaires. Le régime du SMA est spartiate, avec cinq règles de discipline : être à l’heure, être en uniforme, respecter la sécurité, respecter son chef et travailler en équipe. Outre des cours de remise à niveau, l’élève a également la possibilité de suivre une formation aux premiers secours et de passer son permis B. Comment ça marche ? Fondé sur le volontariat, le SMV annoncé lundi dépendra du ministère de la défense. Il s’adressera aux jeunes déscolarisés âgés de 18 à 25 ans, en rupture avec leur milieu social et familial et qui peinent à s’insérer sur le marché de l’emploi. Le SMV permettra de leur offrir des formations professionnelles liées aux besoins des bassins d’emplois locaux ou des « secteurs en tension » à l’échelle nationale, comme l’hôtellerie et le BTP, a précisé François Hollande lundi. Le dispositif est-il efficace ? Le SMA en outre-mer présente des chiffres encourageants. En 2014, pour 5 666 jeunes, le ministère des outre-mer a annoncé un taux d’insertion de 77 %, 76 % pour 2013 et plus de 70 % depuis 2008. Moins de 50 % des stagiaires ont obtenu un emploi en CDI, CDD de plus de six mois ou un contrat d’alternance. Pourtant, sur la ligne de départ, les jeunes partaient grévés par un manque de qualifications et des lacunes. Au moins 30 % d’entre eux étaient en situation d’illettrisme et 60 % n’avaient pas leur brevet des collèges.