Archive for juillet, 2016
Elu et politique
Au sein du gouvernement, c’est Axelle Lemaire qui avait lancé la pique lors de l’arrivée à Bercy de son tout nouveau ministre de tutelle?: « il n’est pas élu ». C’était une façon de borner le territoire d’un “collègue” que l’on pressentait très envahissant. Depuis – c’était le 20?août 2014 –, Emmanuel Macron, parachuté quasiment en direct de l’Élysée aux commandes de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, l’intitulé de son portefeuille, a fait la démonstration que ce n’est pas un handicap. Il est même devenu, selon les sondages, le “ministre favori” des Français. Cette position a été acquise avant tout grâce à l’exercice d’un ministère de la parole “soigneusement libérée”. Son langage s’apparente à un consensus du bon sens sur les 35?heures ou sur la liberté d’entreprendre. “Vous êtes le seul intelligent de la bande”, était-il interpellé sur les Champs-Élysées par une salariée “qui a besoin de travailler” et à qui, il est vrai, la loi Macron I facilite la tâche. Alors qu’est-ce qui explique qu’un ministre ‘non-élu’ perce dans les sondages et acquiert une aura de compétence?? Le fait d’avoir, comme Emmanuel Macron, un itinéraire de technocrate, voire de banquier d’affaires, doublé d’un passage à l’Élysée?? Il n’est pas le premier dans ce cas. Non, la marque Macron vient de son sens de la provocation?: “je n’ai pas envie être député en 2017, c’est le cursus honorum d’un ancien temps”, a-t-il lâché. Autrement dit, le ministre de l’Économie semble opposer l’homme libre qui agit pour le bien commun à l’élu local prisonnier d’intérêts particuliers. “Le ministre de l’Économie semble opposer l’homme libre qui agit pour le bien commun à l’élu local prisonnier d’intérêts particuliers” Pour ce faire, il refuse a priori de régulariser sa situation par l’onction d’un suffrage universel synonyme d’attache partisane. Mais les faits sont têtus?: en démocratie, cette voie est sans issue. La légitimité de l’exécutif tient au préalable de l’élection. Ce qui n’interdit en rien de gouverner ensuite au nom de l’intérêt général?! Emmanuel Macron devra se plier à cette “formalité”, ou bien son avenir sera celui d’un Attali bis. En apparence, vu de Bercy, cette nécessité n’a pas lieu d’être. La Ve?République permet au président de la République de choisir pour ministres des non-élus. Ils sont réputés représenter la société civile. Michel Rocard, Premier ministre, avait obtenu de François Mitterrand la nomination d’un industriel comme ministre de l’Industrie. Valéry Giscard d’Estaing confia à Raymond Barre, dépourvu de tout mandat électoral, le ministère du Commerce extérieur. Plus récemment, Jacques Chirac désigna du jour au lendemain comme Premier ministre Dominique de Villepin, son propre secrétaire général à l’Élysée, qui n’avait jamais vu l’ombre d’un panneau électoral. “Avant, sous la IVe?République, la confusion des genres entre gouvernement et parlementaires était la règle. Le général de Gaulle y a mis un terme en décidant d’inscrire dans la Constitution de 1958 la stricte séparation entre les fonctions de parlementaires et de ministres” C’est la conception gaullienne des institutions qui a fait éclore un tel changement de perspective. Avant, sous la IVe?République, la confusion des genres entre gouvernement et parlementaires était la règle – sans exception. Le général de Gaulle y a mis un terme en décidant d’inscrire dans la Constitution de 1958 la stricte séparation entre les fonctions de parlementaires et de ministres. C’est une fenêtre d’opportunité dont bénéficie, un demi-siècle plus tard, Emmanuel Macron.
Excès d’épargne
La notion « d’excès d’épargne » contribue à expliquer les taux d’intérêt réels très faibles depuis la crise mondiale de 2007-2009. Mais l’idée de “stagnation séculaire” suggère que cette surabondance était présente auparavant. Pour comprendre ce qu’il en est, nous devons examiner le comportement des entreprises. Comment donc, les entreprises s’intègrent-elles dans une analyse de l’équilibre changeant entre les prévisions d’épargne et d’investissement?? Un début de réponse réside dans le fait que les entreprises génèrent une énorme proportion de l’investissement. Dans les six économies les plus grandes (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni et Italie), la part d’investissement des sociétés a représenté entre la moitié et plus des deux tiers de l’investissement brut en 2013 (la plus faible proportion étant en Italie et la plus importante au Japon). Parce que les sociétés génèrent une part importante des investissements, elles sont également les plus grandes utilisatrices de l’épargne disponible, et leurs propres bénéfices non distribués constituent aussi une énorme source d’épargne. Ainsi, dans ces pays, les bénéfices des entreprises ont généré entre 40?% (en France) et 100?% (au Japon) de l’épargne brute (dont l’épargne étrangère) disponible pour l’économie. “Parce que les sociétés génèrent une part importante des investissements, elles sont également les plus grandes utilisatrices de l’épargne disponible, et leurs propres bénéfices non distribués constituent aussi une énorme source d’épargne” Dans une économie dynamique, on pourrait penser que, dans leur ensemble, les sociétés utilisent l’excès d’épargne des autres secteurs, notamment celle des ménages, générant ainsi à la fois une demande soutenue et une offre croissante. Cependant, si l’investissement est faible et les bénéfices significatifs, les entreprises deviennent, bizarrement, un financeur net de l’économie. Le résultat serait un mélange de déficits budgétaires, de déficits des ménages et d’excédents du compte courant (c’est-à-dire donc un déficit du compte de capital). Au Japon, les énormes excédents des entreprises compensent les déficits budgétaires. En Allemagne, les excédents des entreprises et des ménages compensent le déficit du compte de capital. Depuis la crise, les secteurs privés des grandes économies enregistrent des excédents d’épargne sur l’investissement, à l’exception de la France. Les épargnes excédentaires des sociétés japonaises sont, étonnamment, proches de 8?% du produit intérieur brut. Les entreprises privées ont donc largement contribué à la surabondance d’épargne. Ce n’est pas seulement un phénomène post-crise. Même dans la période qui a précédé la crise, le secteur des entreprises a enregistré des excédents au Japon, au Royaume-Uni, en Allemagne (sauf en 2008) et aux États-Unis (sauf en?2007 et?2008). Un document de la Réserve fédérale américaine note que la “grande récession” a en partie entraîné ces excédents, mais il ajoute que, même dans les cinq années qui ont précédé la crise, les taux d’investissement des entreprises “étaient tombés en dessous des niveaux qui auraient été prévus par les modèles estimés les années précédentes”. La hausse de l’excédent d’épargne des entreprises comparé à leurs investissements provient de la conjonction de bénéfices significatifs et d’une diminution des investissements. Cette diminution des investissements est à la fois structurelle et conjoncturelle. En outre, la baisse est très répandue. Néanmoins, l’excès d’épargne des entreprises au Japon est unique dans sa dimension. Toute analyse des défis économiques japonais qui ne commence pas par prendre en compte ce fait est inutile.